De Casablanca, la métropole qui fait peur, à Mazamet, la paisible petite commune du sud de la France, Rachid Quarmouchi, aujourd’hui âgé de 66 ans, a nourri l’image de rugbyman hors pair, ayant inscrit son nom en lettres d’or parmi les gloires de la balle ovale nationale, qui rivalisait alors avec les grandes nations européennes.

Son registre technique intarissable, son intelligence et sa vision de jeu exceptionnelle ont longtemps valu le surnom de « renard » à Quarmouchi, qui occupait le poste de demi de mêlée, une sorte de numéro 10 au football.

Après des débuts prometteurs avec le COC (Club Olympique Casablancais), il est vite repéré par les responsables de la sélection marocaine et intégré au XV national à un âge précoce. Il n’avait que 16 ans et demi.

« Ma sélection en équipe nationale a été le fruit du simple hasard. En stage avec l’équipe nationale juniors, on m’a contacté pour rejoindre les seniors après la blessure des deux demi de mêlée du groupe lors d’un stage de préparation du match en déplacement contre l’Espagne », se rappelle Quarmouchi dans un échange avec la MAP.

« Le seul sport au Maroc qui tenait tête aux nations européennes a été le rugby », raconte-t-il avec amertume, en se remémorant les matches épiques de l’équipe nationale contre la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou encore l’ex-Tchécoslovaquie.

Rachid Quarmouchi, qui coule des jours tranquilles à Mazamet, revient avec beaucoup de nostalgie sur ses premiers contacts avec la balle ovale. Il a commencé à jouer au rugby à la ferme Bretonne à Casablanca. A l’époque, il y avait le COC et le RUC (Racing Universitaire de Casablanca), les équivalents du Wydad et du Raja du football. Le rugby était pratiqué majoritairement par des Français vivant au Maroc.

« J’ai commencé ma carrière au COC vers les années 1970 avant de le quitter en 1979 », a-t-il noté, soulignant avoir remporté plusieurs titres avec cette équipe, notamment le championnat du Maroc en 1973, une coupe du trône et autres titres.

Le natif de Casablanca a également remporté deux médailles de bronze aux Jeux méditerranéens, en 1979 à Split (ex Yougoslavie) et à Casablanca en 1983.

Après cette expérience au Maroc, Rachid est allé jouer dans l’Hexagone où il a fait notamment les beaux jours de Mazamet, à une centaine de kilomètres de Toulouse, l’une des places fortes du rugby en France.

« Dans un premier temps, j’ai joué, trois saisons durant, pour la formation du TOEC, un club de la ville de Toulouse, dont le président m’avait contacté lors d’une tournée du club au Maroc », a-t-il dit.

« Je me suis donc inscrit à la faculté Paul Sabatier de Toulouse (Section mathématiques/physique) où j’ai fait trois ans d’études. Après mon mariage, j’ai dû abandonner les études et me consacrer à ma famille », a relaté Quarmouchi, qui a remporté, en 1985, le championnat de France de deuxième division avec Mazamet lors de sa première saison avec ce club.

Il avait entre temps joué une saison pour le club de Millau, une commune du sud de la France, à côté de Aziz et Abdennasser Bougja.

Après avoir raccroché les crampons en 1993, Rachid Qarmouchi est devenu entraîneur de Mazamet jusqu’en 2020. Pour lui, le sport est le meilleur moyen pour s’intégrer dans n’importe quel pays: “Dès que l’on joue pour un club, l’intégration devient très facile”.

Son amour pour la balle ovale l’a transmis à deux de ses trois enfants, qui jouent dans des clubs français.

S’agissant de la crise que traverse le rugby au Maroc, Rachid n’a pas fait dans la dentelle. “Je suis triste et écœuré de la traversée du désert du rugby marocain. Cela fait des années que l’on n’organise que des réunions mais pas de matches”, a-t-il stigmatisé.

Il a fait part du besoin urgent de disposer de “dirigeants engagés et passionnés pour le rugby” car “voir l’équipe nationale arriver à cette situation et être privée de participer à des championnats continentaux me rend écœuré”.

“Au Maroc, il y a un grand potentiel, mais la mauvaise gestion freine l’essor de cette discipline”, a-t-il lancé, notant que dans le continent, il n’y avait que l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, la Namibie et le Maroc qui pratiquaient le rugby, mais après les nombreuses années passées par le Marocain Aziz Bougja à la tête de la Confédération africaine de rugby, beaucoup de pays ont rejoint le circuit.

Revenant sur ses relations avec la famille Bougja, dont un membre de la fratrie (Abdennasser) est l’actuel président du COC, il a dit avoir joué et grandi avec les quatre frères Bougja, en l’occurence Abderrahim, Aziz, Abdennasser et Said.

Approché par la MAP, son ami d’enfance, Abdennasser Bougja a confié que Rachid est “l’exemple du rugbyman doté d’une grande humilité”, se rappelant que du fait que tous les deux jouaient au même poste, il a dû évoluer au centre pour pouvoir décrocher une place en équipe nationale.

“Il était l’un des meilleurs demi de mêlée de sa génération, qu’on pouvait comparer à n’importe quel joueur international de l’époque”, a témoigné Abdennaser Bougja, membre du comité exécutif Rugby Afrique, président de la commission des arbitres et membre de la commission juridique et disciplinaire de cette instance.

“Battez-vous !” C’est le message que Rachid Quarmouchi a tenu à lancer à l’adresse des jeunes joueurs et des dirigeants du rugby marocain pour rendre à ce sport son lustre d’antan.

Source:MAP